La journée avait été interminable. Les secondes avaient duré des heures et les heures des années, mais peu importait. J'allais enfin pouvoir voir celui qui m'avait tant manqué durant ce long et tortueux début de vacances, et cela m'emplissait de joie.
Les vacances étaient, pour une majorité des élèves, un moment de joie et de relaxation, de sorties entre amis et de détente, mais pour moi les choses n'étaient pas si simples. En réalité elles ne l'avaient jamais été, et ne le serais pas tant que je n'aurais pas fait mes valises et quitté définitivement le manoir familial. Je ne pouvais pas sortir dés que je le souhaitais - il fallait même parfois que je me faufile en douce à l'extérieur - et il était tout simplement hors de question que des amis me rendent visite, même si cela n'était pas réellement un problème du fait de ma quasi absence de relations amicales.
Malgré tout il y avait une personne que je brûlais d'impatience de voir, et avec laquelle je pouvais passer des journées sans jamais m'ennuyer. Malheureusement pour moi mon père haïssait cette personne sans même la connaître, et ce à cause de son sang (qui soit-disant ne valait pas le dizième du mien). Mon cher paternel s'attelait même à rendre notre vie de couple impossible en m'humiliant devant des dizaines d'élèves au travers d'une beuglante relativement hostile, ou en faisant en sorte de nous séparer coute que coute, même à plusieurs centaines de kilomètres de nous. Je détestais mon père, et les choses n'allaient pas en s'arrangeant. Pourquoi tout se passait mal quand il se mêlait de ma vie ?
Voilà pourquoi il était difficile pour moi de voir mon petit ami en dehors des périodes scolaires, durant lesquelles nous étions libres de nous rencontrer à tout moment, et même durant la nuit grâce à son statut de préfet en chef.
J'étais tellement heureuse de pouvoir le voir, d'être parvenue à fixer un rendez-vous sans que mon père n'en sache quoi que ce soit et se mêle de ma vie privée, que j'en oubliai presque l'heure, et bondis de mon lit pour m'habiller. J'ouvris mon placard, et fouillai dans le fond pour trouver des habits moldus que j'avais pour habitude de cacher si je ne voulais pas qu'ils finissent chez les éboueurs sorciers. Je pris un short en jeans, un débardeur blanc et des converses également blanche. Une douche, un petit déjeuner, un foulard autour du cou, et j'étais prête. Je pris un sac, et sortis rapidement en évitant soigneusement le jardin des roses où mon père se trouvait avec ma mère. Évidemment ce dernier n'était pas au courant de ma petite escapade, et cela valait mieux car il avait largement le courage de venir empaler celui que j'aimais pour m'avoir embrassé.
Je sortis dans le parc du manoir, et courus jusqu'au portail. Je transplanai alors dans une ruelle avant de me diriger vers le parc de Londres, où nous avions rendez-vous. Sur la route je passai devant un Starbucks, ce qu'ils appelaient un "café" moldu (car pour moi un café était une boisson d'origine moldu, et non un lieu) et ne pus m'empêcher d'y faire un arrêt sachant à quel point Andréas aimait leurs boissons. Je commandai un irish coffee et un chocolat chaud à emporter, et, après avoir mis un certain temps à trouver de la monnaie moldue dans mon sac, quittai l'endroit, un article dans chaque main. Andréas aurait peut-être déjà déjeuné, mais il n'avait pas intérêt à refuser ma petite attention.
Je continuai mon chemin jusqu'au parc avant de le chercher du regard, ce qui ne dura pas très longtemps du fait de sa grande taille. Il était vêtu d'un costume, accompagné d'une cravate. Il était plutôt loin mais de là où j'étais je remarquai qu'il s'était coiffé différemment et s'était rasé. Cela me fit étrange de le voir sans sa petite barbe de trois jours, mais cela faisait également son effet et je trouvais absolument adorable la manière dont il s'était préparé pour me voir, et je me sentis soudain stupide de m'être habillée comme je l'étais, sans oublier qu'un petit vent s'était levé et que ma tenue estivale ne suffisait plus : une veste (que j'avais renoncé à prendre), aurait été la bienvenue.

* J'aurais du mettre une robe... Et une veste ! *

Je soupirai sachant que retourner chez moi pour me changer ne ferait qu'allonger mon retard, et risquerait de gâcher mon rendez-vous si mon père découvrait le pot-aux-roses. J'avançais à nouveau vers lui et lorsqu'il m'aperçus et me souris j’accélérai légèrement le pas (tout en faisant attention à ne pas renverser les boissons), impatiente de le prendre dans mes bras, d'entendre sa voix et de l'embrasser.

Mes pas ralentirent lorsqu’Andréas commença à son tour à se rapprocher de moi. Nous retrouvâmes face à face et, après s’être saisit des deux gobelets et les avoir posés sur un banc, il m’enlaça si fort que je sentis son corps battre contre moi. Je fermai les yeux et profitai de l’étreinte, m’empreignant de son odeur qui m’avait tellement manquée et dont je ne pouvais pouvait vitalement pas me passer. Il approcha alors ses lèvres des miennes et je me hissai sur la pointe des pieds pour les attraper au passage. Le baiser passionné qui s’en suivit acheva de rendre ma journée totalement radieuse.
Il s’assit sur un banc et m’invita sur ses genoux. Je ne me fis pas prier et le rejoins. Il goûta ma petite attention avant de me sourire : visiblement j’avais fait le bon choix. Il me demanda alors comment j’allais, et avec un petit rire comment se passait mes vacances. Je lui souris de ce sourire qui signifie « vas-y, fais le malin » et lui lançai un regard noir, mais peu méchant. Il cessa peu à peu de rire mais garda un sourire. Je ne pus m’empêcher de répondre, avec ironie :

- Je dirais... mortel ! Nan, vraiment, dans tous les sens du terme. Je m’ennuie mortellement, on a le cadavre d’un gobelin quelque part dans les sous-sols, mais, bonne nouvelle, mon père n’a pas encore tenté de m’assassiner.

Je lui souris et il sembla bloquer sur la mention de cadavre. Je levai les yeux au ciel.

- Je rigole ! Enfin, a priori ce n’est qu’une rumeur, mais qui sait ? A part pour la partie qui décrit mon quotidien comme un fardeau infini, ça c’est totalement vrai. Mais… tu viens d’y mettre un terme, alors, que dire de plus ?

Un brin de malice brillait dans mes yeux et je l’embrassai doucement.
J’allais lui renvoyer la question lorsqu’il m’en posa brusquement une autre dont je ne compris pas vraiment le sens. Mes sourcils s’arquèrent de surprise tandis que mon regard fixa Andréas avec incompréhension. Pourquoi changeait-il si soudainement de sujet ? Il semblait désormais tellement sérieux que cela avait le don de me donner la chair de poule et je me surpris à craindre ce qu’il allait me révéler. Je pensais tout connaître de lui et inversement mais il semblait qu’il avait encore des choses à me dire. Ma réponse fusa sans que je prenne vraiment le temps d’y réfléchir.

- De quoi est-ce que tu parles ?

L’inquiétude grandit en moi fac à son comportement. Il semblait tellement solennel que j’avais l’impression que mon cœur ne cessait de rater des battements, et ignorer totalement de quoi il parlait – car moi, la jeune fille qui avait passée des années à étudier tout ce qui avait rapport avec la magie dans la bibliothèque miteuse d’un manoir de France, j’ignorais totalement ce que le mot liche signifiait – n’arrangeait pas les choses.
Sans plus attendre il commença à me raconter certaines choses dont je n’avais jamais ne serait-ce que soupçonné l’existence et je me sentis impuissante face à ses révélations. Je me sentis soudain mal, mais pas parce que je lui en voulais de ne rien m’avoir dit plus tôt : simplement parce que si je comprenais bien il était en danger à chaque seconde de sa vie, et choisir entre la prison à vie et la destruction de tout ce qu’il pouvait rester de bien sur cette terre n’avait rien de sympathique.
Ses inquiétudes face à son oncle me frappèrent d’autant plus, et je me rendis soudain compte qu’Andréas ne me parlait pas souvent de sa famille, même si je savais des choses sur elle, il n’étalait pas le sujet, alors que lui connaissait les moindres nouvelles du manoir Miles. Je compris la peur qu’il ressentait pour son proche et ressentit l’irrésistible besoin de le prendre dans mes bras, mais je le laissai finir son explication, sans un mot, mais avec la crainte naissante qu’il arrive quelque chose à celui que j’aimais et ce à cause de sa nature.
Il précisa que je ne devais jamais en parler à mon père, en particulier si Andréas venait à le rencontrer à une autre reprise que pour le tuer. Je secouai fébrilement mais avec conviction la tête, le regard fixé vers cet être cher à mon coeur, afin de lui faire comprendre, de lui promettre, que jamais, au grand jamais, même sous la pire des tortures je ne révélerais son secret. Il esquissa un mince sourire, tentant de dédramatiser la situation, mais j’en avais presque envie de pleurer d’inquiétude. Je me retins et le fixai sans un mot. Il but la fin de son Irish Coffee d’un coup, tandis que j’avais complètement oublié mon chocolat chaud, et me demanda si j’avais tout compris et si je ne lui en voulais pas de ne pas l’avoir révélé plus tôt.
Je fus incapable de trouver les mots, ne lui en voulant absolument pas mais étant légèrement choquée par cette révélation soudaine, l’embrassai avec ardeur. Je fis durer le baiser et j’y mis toute la peur que je ressentais à l’idée de le perdre, de devoir vivre sans lui, seule face au monde et à toutes ses épreuves.
Je me perdis un instant dans mes pensées, imaginant le pire, m’imaginant sans lui, perdue, et puis finalement morte de chagrin. Je cessai soudainement de l’embrasser. Je ne voulais pas y croire, mais s’il craquait et décidait d’aller prendre des nouvelles de son oncle, sous la menace du Lord par exemple, c’était pourtant ce qui pouvait lui arriver.

- Je… je vais aller le voir.

Il ne sembla pas comprendre, s’attendant plutôt à ce que je lui donne mon avis sur son statut de « liche », et, la voix tremblante, j’insistai.

- Ton oncle. Je vais aller le voir.

Il ne sembla pas très enchanté par cette idée et fis un léger mais distinct signe de tête négatif. J’avais tellement envie de faire ça pour lui que son avis ne me paraissait pas spécialement nécessaire, néanmoins je ne lui fis pas part de cette pensée. Je risquais peut-être quelque chose, mais ce n’était rien comparé à ce qu’Andréas risquait, et je n’avais pas peur. Après tout, je savais me défendre, alors si l’un des misérables sbires du Lord, comme par exemple mon père ou l’un de ses amis, essayait quelque chose contre moi, il verrait qu’une adolescente inquiète et en colère n’est pas bonne à trouver sur son chemin.
Sur ses pensées héroïques je lui fis un léger sourire avant de l’embrasser tendrement, une étincelle d’inquiétude dans mon regard. Je ne lui en voulais certainement pas de ne pas m’avoir prévenue plus tôt de toutes ces choses sur lui et sa nature, mais je savais bel et bien que dés lors je ne pourrais plus jamais le quitter sans être terrifiée qu’il lui arrive quelque chose durant mon absence, et que je m’en voudrais terriblement de ne pas avoir été à ses côtés s’il lui arrivait quelque chose.
Andréas ne semblait toujours pas convaincu, et je connaissais son regard par cœur. Cela revenait à quelque chose comme « il est hors de question que je te laisse y aller seule, qui sait ce qu’il peut t’arriver, et si on s’en prend à toi, tu y penses ? Ils ne sont pas des mangemorts pour rien. Ils pourraient te kidnapper et te torturer pour que je me livre à eux. », et en gros il était inadmissible que j’y aille. Je soupirai, et répondu à son silence avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit.

- Andréas… Je sais qu’il y a un risque, mais ce n’est absolument rien comparé à ce que TOI tu risques. Il ne peut rien m’arriver de grave, et au pire que veux-tu qu’ils me fassent ? Mon père me déteste mais il ne les laisserait pas tuer sa propre fille, il se garde cet honneur pour lui tout seul si un jour je dépasse réellement les bornes… Et puis la cruauté de mon père n’a pas eu que des mauvais côté, je me suis endurcie face à la torture, je suis occlumens, legilimens, je pratique la magie noire. Je ne suis peut-être pas quasiment invincible, contrairement à toi si j’ai bien compris, mais s’ils tentaient quelque chose ils se rendraient vite compte que je suis la pire adolescente à qui ils pourraient avoir affaire.

Je lui souris doucement, évidemment j’utilisais une once d’ironie, mais je savais qu’autrement je n’arriverais pas à le faire se détendre. Je ne me sentais pas encore prête à discuter de sa révélation et c’est pourquoi je préférais faire bifurquer la conversation avant de revenir plus tard sur le sujet.

- S’il te plait, laisse-moi y aller. Tu as besoin d’avoir des nouvelles de ton oncle, je le vois, alors n’essaie même pas de prétendre le contraire.

Je déposai un léger baiser sur ses lèvres dans l’unique but de l’encourager dans mon sens et de le rassurer, même si la partie ne semblait pas encore gagnée car même moi je m’aventurais sur un terrain dangereux : j’usais de belles paroles mais ignorais encore totalement comment j’allais pouvoir rendre visite à son oncle et m’entretenir avec lui sans que ce soit trop remarqué par les Aurors ou le Lord.

Mes arguments ne semblaient décidemment pas plaire à Andréas qui finit par tout simplement m’interdire de m’y rendre seule. Son non était donc catégorique et j’eus rapidement l’impression que je ne gagnerais pas cette partie : il faudrait dans tous les cas que je me plie à ses conditions. Son ton énervé me fit me raviser et je baissai un instant les yeux. Il s’en rendit compte et déposa un léger baiser sur ma joue qui me fit sourire légèrement, mais cela ne m’épargna pas le malaise que je ressentis lorsqu’il déclara que le seul moyen pour que j’y aille était qu’il m’accompagne. Pour moi cela était tout simplement hors de question, mais il ne me laissa pas le temps de dire quoi que ce soit.
Il m’énuméra les raisons pour lesquels il avait raison, et je fus bien obligée de reconnaître que… il avait raison. Je fis un léger sourire pour lui montrer ma reddition et il s’apprêta à me montrer quelque chose. Je haussai les sourcils et suivis son regard. Soudain, d’un geste de la main, son gobelet pris feu, puis s’éteignis quelques dixièmes de secondes plus tard. Je restai fascinée devant ce geste si anodin et si puissant à la fois. Comment avais-je pu ne jamais m’en rendre compte ? S’était-il réellement privé d’utiliser ses dons durant des années pour ne pas être repéré ? Tandis que certaines questions fleurissaient dans ma tête, deux mots sortir de ma bouche sans que j’y réfléchisse réellement.

- Magie instinctive… ?

Je me rendis alors soudain compte de la tête d’ébahie que je devais avoir et repris mes esprits. Ces deux mots étaient les seuls auxquels j’avais pensé en voyant le tour d’Andréas, mais je savais que logiquement ce genre de magie ne concernait que les jeunes enfants et précédait la découverte réelle de leurs pouvoirs. J’y réfléchis un instant supplémentaire, et soudain je compris que ce n’était pas ça, mais quelque chose de bien plus puissant et de bien plus rare… Voir d’effrayant.
Mon regard quitta son gobelet pour revenir à son visage et je lui souris avec une sorte d’admiration. C’est ce moment qu’il choisi pour en rajouter encore une couche à propos de ses pouvoirs et m’avouer qu’il avait une sorte de super-peau qui résistait aux sortilèges d’attaques. Un léger rire m’échappa, non pas parce que ce qu’il disait était drôle, mais parce que j’avais l’impression, comme un moldu l’aurait eu face à ce qu’ils appellent des « supers-héros », que le monde pouvait parfois être vraiment merveilleux et… surprenant. J’approchai doucement mes lèvres de son oreille droite et y susurrait quelques mots, même si je savais que ce qu’il me dévoilait était sérieux et que ironiser dessus n’était certainement pas le must-do : je n’avais pas pu m’en empêcher.

- Alors ça, ça te rend encore plus sexy que d’habitude...

Il sourit légèrement et je l’embrassai doucement. Il me demanda tout de même de changer de sujet, ce que je respectais car cela n’était pas un sujet facile pour lui.
Il me fit alors son sourire si spécial (à croire que mon petit commentaire lui avait peut-être quand même plu un minimum) et me pris le visage pour m’embrasser longuement. J’approfondis notre baiser avant de sentir un étrange mouvement à l’endroit où nos lèvres se rencontraient et aux autres endroits où notre peau se touchait directement. J’ouvris lentement les yeux et, apercevant le visage d’un inconnu, rompis immédiatement notre étreinte, allant même jusqu’à descendre de ses genoux et m’éloigner d’un mètre, tout cela dans un silence royal, mais simplement parce que je m’étais retenue de crier.
J’eus soudain très peur que tout cela n’ait été qu’un piège, que Andréas ait déjà été pris dans les filets du Lord et qu’il n’ait envoyé un sbire avec quelques gouttes de polynectar pour me soutirer des informations ou même m’enlever. Ma main se dirigea instinctivement vers mon dos – où je gardais précieusement ma baguette, coincée dans mon short et cachée sous mon débardeur – mais il reprit soudain sa forme normale, me laissant une fois de plus bouche bée. Il m’annonça aussitôt qu’il était également métamorphomage et des idées de meurtres me traversèrent l’esprit. Décidemment il n’avait pas fini de me surprendre, et j’ignorai si cela était en bien ou en mal. Je retournai m’asseoir sur ses genoux, sans un mot, avec une mine impassible, avant de lever une main et de la frapper gentiment (ou pas) sur le torse. Je fis une légère moue.

- Imbécile… Tu m’as fait peur ! Deux secondes de plus et je te sautais dessus avec ma baguette en prime...

Je le regardai à demi-méchamment et cela le fit sourire. Visiblement ma tête d’enfant qui boude le faisait plus rire que se sentir coupable et, le voyant ainsi, je ne pus m’empêcher de sourire à mon tour. Il se croyait malin… et je devais avouer qu’il l’était certainement. J’avais décidemment beaucoup de mal à lui en vouloir, quoi qu’il fasse.
Je repris légèrement mon sérieux, mais pas tant que ça finalement.

- Ca y est, c’est tout ? Dis-moi que tu lances des lasers avec tes yeux et je crois que je te demande immédiatement en mariage.

Je rigolai légèrement et il m’accompagna avant de reprendre des sujets plus sérieux tel que par exemple le degré de probabilité qu’il rencontre un jour mon père. Je soupirai et, reprenant totalement mon sérieux, le regardai immédiatement comme j’avais l’habitude de le faire lorsqu’il évoquait ce sujet. Il argumenta sur le fait que si je rencontrai son oncle, sa seule famille, alors il pourrait au moins rencontrer mes parents (enfin il ne mentionna que mon père mais je compris que cela était du au fait que les problèmes de la rencontre ne venaient pas de ma mère, car, même si elle avait eu un peu de mal à s’y faire, elle s’était habituée à l’idée que mon petit ami soit plus quelqu’un que j’aimais que quelqu’un qui me « méritait »). Il ironisa en disant qu’au pire même si mon père voulait le tuer il serait tout de même heureux de le rencontrer. Je le regardai de travers, avant qu’il ne termine sur le fait qu’après tout il n’était pas un sang mêlé comme mon père – et le monde entier d’ailleurs – l’avait cru, mais un sang pur, voir exceptionnellement pur.

- Peut-être… Mais il hors de question que je le lui révèle, car cela risquerait de te mettre en danger. Autrement dit pour lui tu es et resteras le petit bâtard impur, passe moi l’expression s’il te plait, qui touche sa fille bien plus qu’il ne le devrait et qui détruit les années d’éducation qu’il m’a inculquées…

Je lui fis un léger regard d’excuse. Après tout ce n’était pas mes pensées, bien au contraire, elles étaient et avaient toujours été celles de mon père, mais les entendre de ma bouche risquait de choquer Andréas, plus que de le convaincre que rencontrer mon père était une bien pire idée que d’aller rendre visite à son oncle.
Je soupirai légèrement.

- Tu comprends ce que j’essaie de t’expliquer ? Ce n’est pas une bonne idée. Si tu rencontres mon père tu as 99 pourcent de chance que ton secret soit révélé… Si je lui dis qu’il n’a plus à s’inquiéter de la soi-disant impureté de ton sang, alors il voudra savoir ce que cela signifie. S’il te défie ou t’attaque et qu’il se rend compte de ta puissance alors ton secret ne sera pas forcément révélé mais il s’empressera d’aller en rendre compte au Lord… Et je ne te parle même pas de ce qu’il se passerait si tu utilisais tes pouvoirs de liche devant lui…

Je soupirai à nouveau et me recroquevillai un peu plus dans son étreinte avant de laisser ma tête se reposer sur son épaule.

- Dans tous les cas c’est trop dangereux...

Je pris une grande inspiration et inhalai doucement le doux parfum de sa peau, imaginant que c’était peut-être la dernière fois que je le sentais. Mais non, c’était trop dur d’y penser. Je ne pouvais pas le perdre, alors il était hors de question de tenter quoi que ce soit qui le mette en danger.

Lorsqu’Andréas avait commencé ses révèlations, comme ça, de but-en-blanc, sans préavis ni consignes en cas de crise cardiaque, je n’avais pu m’empêcher de penser aux choses horribles qu’il allait me révéler. J’avais ressenti une peur innommable, étrange, spéciale… fugace. Les inquiétudes s’étaient accumulées et j’avais cru y perdre un semblant de sang-froid. Après quelques explications je m’étais sentie soulagée, parce que je croyais avoir comprises certaines choses, mais je n’y étais pas. Je n’avais rien compris. Et puis la conscience du danger réel avait subitement fleurie dans mon esprit, et je m’étais sentie impuissante et désarmée face à ses secrets : j’avais enfin compris que quoi qu’il arrive je ne pouvais pas faire grand-chose pour protéger l’homme que j’aimais le plus au monde et cela me paralysait de peur. Comment pouvons-nous prétendre aimer si nous ne sommes pas capables de protéger ? Cette question avait tourné en boucle dans ma tête, puis j’avais tenté de ne pas y penser : malgré les dangers, à nous deux, nous avions tous les moyens d’y arriver.
Je sortis soudainement de mes pensées, reportant mon attention sur les indications supplémentaires que me donnait Andréas. Je m’étais à peine remémoré ce que j’avais ressenti lorsqu’il m’avait tout avoué, et je me sentais dors et déjà mal : il valait mieux pour moi que je n’y repense pas tout de suite (même si l’idée de faire mordre la poussière à certain mangemorts ne me déplaisait pas et devenait presque une espérance). J’absorbai ce que me disais mon serpentard préféré comme un livre ouvert et eus vaguement l’impression que je venais d’en apprendre plus en quelques minutes que durant un semestre entier de cours à Poudlard. Je souris intérieurement pensant qu’il ferait un très bon prof s’il gardait quelques anecdotes pour de probables futurs élèves.
Je sortis à nouveau de mes pensées, légèrement déboussolée par l’accumulation de connaissances en si peu de temps – car j’en avais perdu l’habitude depuis que je ne suivais plus des cours intensifs de magie noire dans le manoir familial –, et répondis au magnifique sourire d’Andréas. Le fait qu’il ne puisse pas directement tuer avec cette magie me rassurait dans un sens, même si je ne doutais pas du fait qu’il ait une maîtrise complète de ses capacités.
Je me sentis réellement mieux après avoir entendu tout cela, et espérai qu’il ne me cache rien d’autre, plus jamais, comme je m’efforçai de le faire avec lui. Je l’embrassai doucement.

- Merci… de… enfin, pour tout. Ton honnêteté, le fait que tu aies confiance en moi, et hum…

Je réfléchis un instant.

- … Pour toutes les choses que tu as déjà faites pour moi et pour lesquelles j’aurais lamentablement oublié de te remercier.

Je fis un léger sourire, confus, n’ayant aucun évènement spécial en tête mais étant certaine qu’une telle chose était certainement déjà arrivée, oubliant toujours à quel point je lui étais redevable : pour m’avoir aidée à me détacher de l’emprise de mon père, pour m’avoir toujours accompagnée au possible lorsque j’allais mal, pour continuer à m’aimer malgré la menace de mon père et tout simplement pour m’avoir montré jours après jours – et jusqu’à présent – que dans le monde, qu’il soit moldu ou sorcier, il restait bien plus de choses qu’uniquement le mal, la souffrance et la destruction.
J’étais visiblement en mode nostalgie lorsqu’Andréas changea de sujet pour me demander si je souhaitais faire quelque en particulier. La seule réponse qui me vint fut « rester avec toi et la seule chose que j’ai envie de faire pour le moment », mais il ne me laissa nullement le temps de m’exprimer et attrapa mes lèvres avant de m’embrasser avec fougue. Visiblement il connaissait déjà ma réponse. Il approfondit notre baiser auquel je répondis doucement, puis plus passionnément et caressa doucement mes hanches. Je me sentais tellement bien que je fus plutôt prise de court lorsqu’il rompit notre baiser. Je le regardai avec un air amusé et haussai un sourcil. Il me demanda s’il y avait un endroit où j’aurais eu envie d’aller.
Un rire amusé retentit dans l’air (le mien, en somme) et je le regardais d’un air espiègle.

- Pfff… Comme si tu ne savais pas déjà la réponse… Pourquoi il faut toujours que tu arrêtes les choses lorsqu’elles deviennent intéressantes ?

Un autre rire m’échappa : évidemment, je le taquinais, et il le savait très bien. Je lui souris avant de tout de même revenir sur mes pas – ou du moins mes mots.

- Mais c’est gentil de demander…

Je finis ma phrase par un léger baiser sur ses lèvres et pensai soudainement à quelque chose.

- Hum… d’ailleurs, le coup du « je t’assure, ma chérie, je n’ai pas fumé avant que tu arrives, j’ai juste utilisé du spray magique, puis mangé un bonbon à la fraise, parce que tu aimes l’odeur… et le goût »… ne marche pas avec moi… Même si c’est vrai que j’adore le goût !

Je le regardai avec un air de malice brillant dans mon regard et un sourire de conquérante.

Avec le nombre de fois où mes lèvres ont rencontrés les tiennes, je t’assure que tu ne peux pas me duper…

Je lui souris à nouveau, avant de l’embrasser pour ajouter un baiser de plus à un compteur qui - où qu’il soit s’il existait – devait déjà exploser. Evidemment je ne lui en voulais pas d’avoir fumé une cigarette, je savais que s’il le désirait cela pouvait n’être qu’une mauvaise habitude, et je trouvais d’ailleurs plutôt amusant le fait qu’il ait tenté de me le cacher.

Tu m’en donnes une ?

Il me regarda avec des yeux ronds de surprise. J’étais loin d’être une fumeuse régulière – voir une fumeuse tout court –, et ça il le savait, mais j’avais juste envie de le taquiner un peu et de m’éloigner des révélations solennelles que je venais d’entendre. Nous pourrions y revenir, mais plus tard : pour le moment j’avais simplement besoin de quelques heures en compagnie de celui que j’aimais, sans histoires obscures ni menaces de mort, même si je me jurais intérieurement de rapidement trouver une solution au problème concernant son oncle.

Visiblement le temps des annonces n'était pas révolu et Andréas m'annonça qu'il s'apprêtait à partir en Grèce afin d'en apprendre plus sur ses ancêtres. Mon sourire se fana légèrement, mais je me fis violence pour que le rictus s'affichant désormais sur mon visage paraisse heureux. Je ne voulais pas qu'il sache que le savoir parti me rendait triste et m'effrayait, en grande partie parce que j'ignorais si j'allais le voir revenir un jour, parce qu'il pouvait toujours lui arriver quelque chose. Je baissai les yeux vers le sol, et tentai de ne pas croiser son regard. Je me sentais coupable d'agir de cette manière, d'agir comme si je lui en voulais alors qu'il n'avait strictement rien fait de mal et qu'il était censé être libre de faire ce qu'il lui plaisait sans que je sois là à lui dicter ses pas. Je me sentis un instant comme mon père, ce père qui faisait tout pour empêcher ses proches de mener leurs projets à bien si ces derniers ne lui plaisaient pas.
Je tentai de me persuader que nous n'avions rien à voir hormis notre sang et la puissance de notre magie, et relevai mon regard vers Andréas, tentant de lui sourire aussi sincèrement que possible. Il allait me manquer, c'était certain, mais qu'il soit à Londres ou n'y soit pas, cela ne changeait pas grand chose car dans tous les cas je serais certainement enfermée dans le manoir familial après ma fugue quelques heures auparavant.

C'est génial ! J'espère que tu trouveras tout ce que tu cherches... Qu'est-ce que tu cherches en particulier d'ailleurs ?

Je déposai un léger baiser sur ses lèvres pour tenter de cacher mon honteux sourire forcé. J'aurais du être heureuse pour lui mais je n'arrivais pas à me faire à l'idée qu'il puisse partir si loin de moi. Je savais qu'il pouvait aisément lire dans mon regard et dans les traits de mon visage ce que je pensais réellement - simplement parce qu'il me connaissait mieux que quiconque -, mais je ne voulais pas qu'il voit quoi que ce soit et c'est pourquoi je rentrai totalement dans son jeu lorsqu'il sortit deux cigarettes, une pour lui et l'autre pour moi. Il me l'alluma et me la tendit. Je la pris avec un éclat de malice dans le regard et pris une première bouffée. J'avais déjà fumé, mais n'étant pas une fumeuse régulière la première inspiration me faisait toujours une étrange impression, et je sentais presque la fumée s'emparer de ma gorge, puis de mes poumons, avant de ressortir de mon organisme en se faufilant doucement entre mes lèvres. Andréas fit de même, mais avec une classe bien plus prononcée tandis qu'un dragon de fumée se tortillait joyeusement autour de son visage. Cette vision m'arracha un vrai sourire, mais j'ignorais que d'ici peu de temps j'allais cesser de sourire.
En effet, il aborda un autre sujet, et je ne pus m'empêcher de penser que décidément aujourd'hui nous faisions le tour des sujets qui déplaisent, car il était désormais question d'une future séparation. Pas de la fin de notre couple, ou du moins je l'espérais plus que tout au monde, mais d'une séparation physique inévitable car il ne pourrait pas rester à Poudlard s'il n'est plus élève. Je baissai à nouveau les yeux vers le sol, oubliant totalement la cigarette se consumant entre mes doigts. Je restai ainsi un instant, réfléchissant à toutes les solutions, même à la plus tordue et utopique, mais rien ne me semblait possible, ni même réalisable, ni même ne serait-ce qu'envisageable. Et je ne voulais pas empêcher Andréas d'avancer dans la vie juste parce que j'étais coincée à Poudlard. J'en conclus donc que l'année passée, il devrait avancer sans moi. Et ça me rongeait de l'intérieur.

Ne pense pas à moi, Andréas. Tu n'es pas censé vivre en fonction de moi. Même si ça sera difficile d'être séparés, j'aimerais que tu t'engages dans la vie sans te préoccuper de moi. Tu ne vas pas m'attendre à chaque fois que je suis forcée de rester derrière, et tu sais que je ne peux pas quitter Poudlard.

Je lui fis un léger sourire pour qu'il comprenne que ce n'était pas grave. Peu importait à quel point je serais seule durant cette septième année, sans lui à mes côtés, tout ce qui importait était qu'il s'engage efficacement dans le monde sorcier, quoi qu'il fasse. Je lui souris d'avantage, tentant de lui soustraire mes opinions pour ne pas qu'il les contredisent.

Tu auras certainement ton propre endroit où vivre et je viendrais chez toi pendant les vacances. Je peux quitter le manoir définitivement s'il le faut, et ce n'est pas la folie meurtrière de mon père qui me retiendra. Si je dois l'affronter alors je le ferais.

Je plantai mon regard dans l'iris attirant de ses yeux.

Je t'aime, Andréas.

Je sentis soudain une vive brûlure dans la paume de ma main et laisser tomber la cigarette dans l'herbe. J'attrapai rapidement la main libre d'Andréas et collai ma paume contre la sienne afin qu'il ressente cette chaleur qui rongeait doucement ma peau. Tout cela pour qu'il comprenne bien que peu importe ce que nous aurions à traverser, nous partagerions notre douleur comme nous partagions notre bonheur. Tout en laissant ma main près de la sienne, je me penchai vers lui et l'embrassai doucement. J'en oubliai la douleur.